Erreurs communes dans la promotion et la défense de l'Islam

es-selèmou 3aleykoum

Séquence "nostalgie", qui ne va pas nous rajeunir, dans le but de comparer la web-prédication des années 2000 telle que nous, les "anciens", l'avons connu avec la web-prédication d'aujourd'hui, celle de 2024. Pour les besoins de notre argumentation, je m'appuie sur ce sujet-même, que j'avais crée le 17 octobre 2008, sous ce même titre, en utilisant le même pseudonyme qu'aujourd'hui, dans un forum musulman disparu en août 2009, "Islamie.com", qui était très fréquenté en son temps. 2008 était, comparé à aujourd'hui, un âge d'or où le moindre sujet publié dépassait rapidement plusieurs centaines de lectures et dizaines de participants. C'était avant que les réseaux (anti-)sociaux comme Facebook et Twitter, puis plus encore les plateformes de vidéos comme Youtube, ne supplantent les forums musulmans ; lesquels étaient pourtant faits par des musulmans, pour des musulmans, régulés (plus ou moins) selon la loi musulmane et non selon "le règlement de la communauté de Youtube", avec anonymat à 100%, et surtout quasi-impossibilité de devenir une vedette. Nous étions d'anonymes internautes s'exprimant uniquement via notre clavier, de PC à PC-s. Contrairement à aujourd'hui, où l'on cherche la gloire à travers l'Islam, on ne connaissait ni notre voix, ni notre visage, ni le contenu de notre assiette, encore moins la disposition de notre appartement. Ne rigolez pas : les pires prédicateurs-vidéastes de notre temps se filment en train de chanter avec leurs proches. Dans cet état d'esprit fait de discrétion et d'humilité, en décembre 2006, j'avais choisi "Pseudonym" pour pseudonyme. Pour l'anecdote, je voulais m'appeler "Pseudonyme" avec le "e" mais cet alias étant déjà pris, j'ai dû enlever la dernière lettre pour me différencier de l'autre islamiste-intégriste qui m'avait devancé dans le choix judicieux du surnom. 

Depuis environ 2015, la quête de notoriété et de pognon nous ont fait basculer de l'ère du texte anonyme à l'ère de la vidéo à titre sensationnaliste, additionnée d'effets visuels et sonores, où le prédicateur se met en scène dans des postures d'adolescents, avec sweat-shirt à capuche, pose de stupéfaction la bouche grande ouverte et les mains sur les joues, pour accumuler des clics, pour se constituer un public le plus large possible, faire de gros scores d'audience, récolter des pouces bleus en quantité, monétiser ses vues et, pourquoi pas, vivre des revenus de Youtube, ainsi que des services annexes que notre jeune prédicateur cool et rigolo vend à son public. Aujourd'hui, on a l'impression que la vidéo gratuite à titre racoleur ne sert qu'à se faire connaître pour proposer des formations, des "voyages spirituels" et autres services exigeant CB et RIB. Ne parlons même pas des cagnottes pour tout et n'importe quoi, dont certaines sont détournées par leurs initiateurs. La prédication est devenue une jungle où l'on "fait du buzz pour faire du biz", des vues pour faire des ventes, du chiffre (d'audience) pour faire du chiffre (d'affaires). Les titres de certaines vidéos sont tellement tournés vers la quête d'attention sans trop de scrupules que certains de ces titres sont mensongers. Le pire écart entre le titre et le contenu ? La vidéo dont le titre nous annonçait la conversion d'un Juif à l'islam suite à un débat de rue. Je l'avais écouté avec grand intérêt tant les conversions depuis le judaïsme sont rares pour constater, en toute fin de vidéo, que notre Juif ne s'était pas du tout converti à l'Islam ; qu'il continuait à considérer Mohammed (psl) comme un imposteur puisque, par principe, la Torah était indépassable. Si l'on avait acheté cette vidéo comme on aurait acheté un bien de consommation en magasin, on en aurait demandé le remboursement pour publicité mensongère ! À ce jeu, la chaine "Muslim Convert Stories" n'est pas loin de décrocher la palme des vidéos pour lesquels l'écart est le plus grand entre, d'un côté, les promesses d'un titre et d'une image d'illustration alléchants et, de l'autre côté, les faits présentés dans la vidéo. À la grande époque de la web-prédication écrite des forums et des livres, c'était le fond qui l'emportait sur la forme, et les auteurs restaient discrets voire anonymes, tandis qu'aujourd'hui le prédicateur-vidéaste-artiste-voyagiste-humoriste passe la vidéo à faire des zooms sur ses narines en nous racontant sa vie, l'Islam étant devenu secondaire ou un simple moyen mis au service de la gloire du web-prédicateur. En enlevant tous leurs effets de manche, tous leurs effets visuels et sonores, sur une vidéo de dix minutes, on pourrait ne garder que trois minutes. Quelquefois, j'accélère la vidéo de 50% pour aller directement à l'essentiel, ou bien je passe la première minute qui ne sert souvent qu'à réclamer des abonnements et des pouces vers le haut. Je pleure quand je vois les bouffons de Youtube qui détournent la quête de science des internautes musulmans vers du bloggage narcissique et racoleur. Rendez-nous les années 2000 ; rendez-nous le salon du Bourget et ses cent-mille visiteurs sur quatre jours ; rendez-nous les conférences pleines à craquer ; rendez-nous la fête de l'aïd avec des sacrifices de moutons ; rendez-nous les forums remplis de monde, etc. 

Illustration du bon vieux temps grâce à "web.archive.org", qui balaie la Toile pour enregistrer des pages, voire des sites entiers, pour les rendre ensuite consultables même après leur disparition. Heureusement, une partie du forum "Islamie" a été sauvegardée ; malheureusement, mon sujet n'a pas été sauvegardé ; mais vous pourrez le voir listé en page d'accueil sous le même titre que celui-ci "Erreurs communes dans la défense et la promotion de l'Islam". http://web.archive.org/web/20081031103230/http://www.islamie.com:80/

es-selèmou 3aleykoum

Il est minuit passé, et je suis encore en train de surfer sur les sauvegardes d'Islamie.com par "web.archive.org". J'ai mal au cœur en voyant le déclin, quantitatif et qualitatif, qui s'est produit entre les années 2000 et les années 2020. La lecture de ces pages vieilles de plus de quinze ans, en plus d'être instructive, me remémore le bon vieux temps de l'effervescence intellectuelle, de la fraternité entre anonymes, mais aussi des échanges quelquefois musclés face aux ignorants et hérétiques. Il n'y a plus d'espace d'échange anonyme entre musulmans, modéré par des musulmans, mis à part ce forum qui tourne au ralenti. Pour être franc, il repose presque entièrement sur moi qui suis à peu près le seul contributeur. Tristesse. Pour comparaison, autrefois, il y avait un forum exclusivement réservé aux femmes, un autre pour les sympathisants du jihad ("ribaat"), un forum chiite (al-imane"), un forum soufi ("aslama"), un forum d'échange inter-religieux ("mejliss-el-kalam), un forum généraliste ("islamie.com"), un autre forum généraliste ("portail-islamboutique"), encore un autre forum généraliste crée à la suite d'une scission de Mejliss-el-kalam ("no-mejliss"), et j'en oublie peut-être. Tout n'était évidemment pas parfait. Mejliss-el-Kalam, par exemple, était épouvantable avec ses trolls islamophobes. 

Tout ça fait remonter les souvenirs d'une époque plus fraternelle. Ah le salon annuel du Bourget... J'y allais en train, les mains vides, tout seul, pour y croiser les frères de la mosquée, échanger avec des acteurs associatifs musulmans, donner des aumônes, puis en revenais avec des sacs pleins de livres, que j'ai toujours. Ces livres, lu et relus, ont fini par avoir une valeur sentimentale proportionnelle à l'ancienneté de leur acquisition. C'est aux salons annuels du Bourget que j'ai acheté les classiques de la littérature islamique francophone : "Ceci est la vérité" de cheykh ez-Zendani, les ouvrages anti-évolutionnistes de Harun Yahya, "Ce bien-aimé" de cheykh Abou-Bakr el-Jazaïri, "Minhaj al-Mouslim" du même auteur, l’exégèse du Coran par cheykh Ibn-Kathir. Rendez-vous compte : on était plus de 100 000 visiteurs sur quatre jours. Les gens arrivaient des quatre coins de la France, en train, en voiture, en car, y passaient une ou plusieurs journées, certains dormant sur place, pour assister à des conférences pleines à craquer de monde, acheter des articles islamiques, rencontrer d'autres musulmans. On mangeait dans les restaurants tenus par des commerçants venus pour l'occasion, et on priait tous ensemble dans le hall aux heure de çalat. Je me souviens comme si c'était hier de ce converti qui est monté sur l'estrade pour prononcer son attestation de foi et du public qui scandait "Allahou akbar" pour célébrer sa conversion. C'était en l'an... 2000. Certains d'entre vous n'étaient pas nés. À seulement quarante-deux ans, je suis devenu une personne passéiste. Soupir.

https://www.youtube.com/watch?v=n7rtPHIEFyI